Bazzart et Le club des collectionneurs en arts visuels de Québec
Le club des collectionneurs en arts visuels de Québec
Pas besoin d’être collectionneur ni même membre pour participer aux activités gratuites organisées par le Club.
Fondé en 2004 par Marc Bellemare, avocat bien connu dans la région de Québec, et Jean Gaudreau, artiste- peintre, le regroupement organise des soirées-conférences et des visites d’atelier à quelques reprises pendant l’année. Il souhaite ainsi provoquer la rencontre entre les artistes, les collectionneurs et les amateurs d’art de tout horizon.
Selon André Bécot, membre du comité de programmation du Club, il était impératif de stimuler autrement la diffusion des arts visuels dans une ville où, s’il y a beaucoup d’artistes, la vitrine consacrée aux arts n’en demeure pas moins réduite. Avoir ainsi un accès privilégié à l’univers des artistes en vedette lors de ces soirées est une façon originale de se familiariser avec l’art de façon plus directe.
Anecdotes passionnantes, discussions animées et plaisirs partagés sont toujours au menu. Pour rester à l’affût des activités à venir en 2014, inscrivez-vous à l’infolettre ou visitez régulièrement la page du Club. (GV)
clubdescollectionneursenarts visuelsdequebec.com
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Dans le milieu des arts visuels, l’avocat Marc bellemare est connu comme un des grands collectionneurs québécois.
Photo: Renaud Philippe
Marc Bellemare « UN PENCHANT POUR LES ARTISTES ENGAGÉS »/ par Caroline HOUDE
Celui qui mène, depuis 1978, un inlassable combat contre le régime d’indemnisation no fault admet avoir de l’estime pour les artistes qui, comme lui, ne craignent pas de remettre en cause les règles établies.
« C’est important pour moi, la pensée de l’artiste. C’est pour ça que je voue un grand respect aux automatistes et aux plasticiens. Depuis la fin de ces mouvements, je reste sur mon appétit. » Selon maître Bellemare, dont la collection comporte de nombreuses pièces des années 40 et 50 issues de ces mouvements, les artistes étaient plus engagés à cette époque. Cet engagement lui semble plus rare depuis le départ de Serge Lemoyne, un artiste dont le travail le plus connu provient de sa période Bleu Blanc Rouge en lien avec l’équipe de hockey les Canadiens de Montréal.
« Il y en a des jeunes qui sont significatifs en ce moment. Je pense à Martin Bureau et à Stéphane La Rue, dont j’ai aussi des œuvres. Ils ont des idées au sujet
de l’art, de leur rôle dans la société et ils cherchent à faire avancer la pensée
des gens par rapport à l’art. » Avec tous les moyens dont disposent les artistes aujourd’hui, monsieur Bellemare se dit surpris de ne pas les voir utiliser leur pouvoir en s’impliquant davantage dans les grands débats sociaux. « Si
t’es un artiste et que tu te consacres uniquement à créer des œuvres pour répondre à un marché de consommation, alors là, tu risques de te perdre. C’est certain qu’il faut vivre aussi, mais si tu crées sans te soucier de ce que les gens vont penser de tes œuvres, tu as une liberté plus grande. »
Il poursuit en mentionnant que la beauté plastique d’une œuvre n’est pas primordiale. Ce qui compte vraiment pour lui, c’est la place qu’occupe cette œuvre dans le cycle de l’artiste. Est-ce
une œuvre marquante? Provient-elle d’une période importante dans le parcours du créateur? « Moi, j’ai besoin de ça dans ma collection. »
Il déplore le besoin qu’ont plusieurs Québécois de toujours vouloir faire ce qui va plaire aux autres pour éviter de déranger. « On n’a pas un caractère très fort au Québec. On achète des œuvres et on est un peu gêné de nos acquisitions. On achète un char pour aller avec la couleur des briques de la maison. Quand on arrive dans les arts, c’est censé être l’éclatement, mais non, on est pognés dans nos patterns. Il faut que tu assumes que les gens peuvent dire que t’es un capoté, un fou. Dans le passé, ce sont ces artistes-là qui ont fait avancer la société. »
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Aristide Gagnon
Le grand-père du bronze
/ par Caroline HOUDE
Dehors, le temps est lourd et gris, mais en ouvrant la porte de son atelierfonderie,le peintre et sculpteur Aristide Gagnon nous accueille avec le regard
lumineux d’un jeune enfant, bien qu’il vienne de célébrer ses 83 ans.
Photo:Isabelle Houde
À l’intérieur, il fait soleil. De grands tableaux abstraits habillent les vieux murs
de brique de la fonderie. D’intrigantes sphères de bronze sculptées par l’artiste
arborent des reliefs variés dont plusieurs évoquent des éléments organiques.
De magnifiques cloches, toujours en bronze, sont suspendues au centre de
la pièce du rez-de-chaussée tandis que la riche fenestration des lieux jette une
lumière mettant parfaitement en valeur les patines et les textures des oeuvres de
l’artiste. L’ensemble confère à l’atelier chargé d’histoire une atmosphère qui se
rapproche du sacré.
Originaire de la vallée de la Matapédia, Aristide Gagnon vient s’établir dans la
ville de Québec en 1948 et commence à peindre. De 1952 à 1956, il fréquente
l’École des beaux-arts de Québec. « C’est pendant mes études que j’ai vraiment
commencé à vivre de mon art. Je faisais des petites illustrations avec des vues
de la ville et je vendais ça 10 $ chez des marchands de matériel artistique, car il
n’y avait pas encore de galeries d’art à Québec, dans ce temps-là. Aujourd’hui,
ça peut paraître bizarre de dire que je vendais des aquarelles à 10 $, mais
comme je payais mon loyer chauffé 35 $ par mois, je vendais assez dans un été
pour passer mon hiver. »
Dès la fin des années 40, l’académisme dans l’art québécois est bousculé, à la
suite de la publication du Refus global par les automatistes et, au milieu des
années 50, du manifeste des Plasticiens.« Curieusement, ces mouvements ne
touchaient pas beaucoup les peintres de Québec. » En riant, Aristide Gagnon
raconte avoir demandé à Jean Paul Lemieux, qui était son professeur aux
beaux-arts, s’il considérait le Refus global comme important. Ce dernier
aurait répondu : « Bah! non ». Amusant, quand nous savons aujourd’hui la place
qu’occupent ces mouvements dans l’histoire de l’art au Québec.
En 1958, Aristide Gagnon remporte le plus prestigieux prix pour l’époque, le
premier prix en peinture au Concours national du Québec. « Il fallait qu’on
présente des oeuvres non signées, car le jury ne devait pas être influencé par le
nom de l’artiste, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, selon moi. Ça se
passait au Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du
Québec) et là, devant tout le monde, nous signions nos tableaux. C’était
médiatisé à travers tout le Canada. Trois mois après, j’avais encore une couverture
médiatique. Les galeries de Montréal, de Toronto et d’ailleurs me contactaient pour
m’offrir des expositions. » L’artiste reçoit alors tant de demandes qu’il doit en
refuser plusieurs. « Ça me faisait peur, car je me disais : je commence et je n’ai rien,
je ne suis pas pour montrer ce que j’ai fait aux beaux-arts, mes dessins de nus, etc.,
c’était beaucoup trop académique. »
À partir de 1960, c’est la galerie Zanettin de Québec qui représente l’artiste aux
côtés d’autres peintres tels qu’Edmund Alleyn, Jean Paul Lemieux et Albert
Rousseau, et ce, jusqu’au décès de son propriétaire, en 1989. « Mes oeuvres se
vendaient très bien. Gérard Zanettin me conseillait sur les bonnes pièces à
présenter à la galerie. Il était autodidacte, mais avait une vision et beaucoup de
crédibilité auprès des collectionneurs.
Au premier vernissage, 800 personnes s’étaient déplacées pour l’événement.
J’avais tout vendu! En plus, les critiques avaient été très bonnes. Je réservais mes
oeuvres à monsieur Zanettin, mais il ne m’empêchait pas d’exposer à Montréal, à
Toronto et ailleurs, car il savait que c’était bon pour moi et pour lui de le faire. J’avais
la liberté d’apporter des changements au niveau de ma production et parfois, c’était
radical. Par exemple, en 1967, j’avais pris un virage vers l’abstraction et il y a des gens
qui m’ont “disputé”. Y’a une femme qui collectionnait mes oeuvres et qui m’a dit :
vous là, je ne vous aime plus! J’ai répondu : moi j’vous aime encore. Et j’ai tout vendu ce
que j’avais exposé quand même. Après la mort de Zanettin, je suis allé
dans d’autres galeries, mais ça n’a pas bien été. Y’en a qui ont essayé de
m’exploiter. Y’en a plusieurs, des artistes, qui se font exploiter… »
En 1970, Aristide Gagnon fait la découverte de la sculpture, ce qui
l’amène à acquérir sa fonderie actuelle. « Mon fils voulait faire de la sculpture
en pâte à modeler… Il devait avoir cinq ou six ans. Je me souviens, il avait
fait un petit pingouin et moi, un petit phoque. Je lui ai dit : veux-tu que papa
te le coule en plâtre? Il m’a répondu oui. J’ai dit : ok, quand tu vas revenir
de l’école, tu vas l’avoir en plâtre. J’ai fabriqué un petit moule et je lui ai
coulé ça en plâtre. Ensuite, j’ai passé deux ans à faire des tests avec divers
métaux sur des petites pièces. Puis, j’ai utilisé des moules plus résistants
qui pouvaient prendre le bronze. J’ai fait des recherches et là, je suis venu
ici pour les faire remplir… C’était une fonderie. Les employés travaillaient
pour une grosse compagnie de papier; ils coulaient d’immenses pièces
d’engrenages pour de la mécanique industrielle. Ils trouvaient ça bien drôle
de me voir arriver avec mes “bébelles”.
Au bout de deux ans à faire ça, ils m’ont dit : vous devrez maintenant aller à Lévis
parce qu’ici, nous fermons et ça va être démantelé. J’ai décidé d’aller voir les
propriétaires et ils m’ont fait un prix. J’ai donc acheté tout le matériel sur place,
mais à ce moment, j’étais toujours un locataire. Un an plus tard, je suis retourné
les voir et, avec un autre partenaire, nous avons acheté la bâtisse. Après quelques
années, l’autre a décidé de quitter et il m’a finalement vendu sa part. »
En 2013, lors d’un vernissage au Musée du bronze d’Inverness, Aristide Gagnon
a publiquement été présenté comme étant le grand-père du bronze au
Québec. « Oui, c’est parce que Gérard Bélanger est venu travailler ici, à la
fonderie, avec moi. Je lui avais dit : “je ne ferai pas tes pièces, mais si tu veux,
je te montrerai comment”. Il voulait lancer une fonderie d’art à Inverness et,
au bout de six ou sept ans, il s’est senti mûr pour démarrer son projet. Pendant
deux ans, j’ai également participé à la mise sur pied du musée. Je trouvais
que Gérard avait du talent. Si ça avait été un empoté, je n’aurais jamais voulu
travailler avec (rires). Et, puisque lui c’est le père du bronze, alors moi, je dois être
le grand-père (rires). »
En 2010, le Centre culturel Yvonne- Bombardier, situé à Valcourt en Estrie,
a présenté au public une rétrospective de la carrière d’Aristide Gagnon incluant
une cinquantaine de ses tableaux et une cinquantaine de ses sculptures de bronze.
Aux dires de l’artiste, il s’agit de sa plus remarquable exposition à ce jour.
« Ce fût extraordinaire et toute leur équipe a été d’un accueil des plus
chaleureux », ajoute monsieur Gagnon. Aujourd’hui, nous retrouvons plusieurs
des oeuvres du peintre et sculpteur dans différentes collections publiques et
privées à travers le Québec, le Canada,
les États-Unis et l’Europe. Les intéressés peuvent admirer certaines
de ses sculptures publiques devant l’hôtel Belley, au parc Durocher et au
Parlement de Québec, mais aussi au parc Lavigerie, à Sainte-Foy, et à la place
Mercantile de Montréal, pour ne citer que ces quelques lieux.
En parlant de l’évolution de sa démarche de création, l’artiste explique qu’après
avoir peint de l’abstraction pure pendant de nombreuses années, sa dernière série
de tableaux laisse émerger de son univers abstrait des éléments figuratifs. Inspiré
par la citation de Démocrite « Tout ce qui existe dans l’univers est le fruit du hasard
et de la nécessité », Aristide Gagnon raconte que le point de départ de cette
nouvelle figuration est, bien souvent, une tache de couleur appliquée d’un geste
libre qui lui suggère les images qu’il devra ensuite faire ressortir du tableau.
« J’aime produire et m’exprimer, c’est toujours très présent en moi. Mon travail
est très spontané et intuitif. Pour moi, il y a toujours une part de mystère dans la
création. On ne peut pas tout saisir dans un tableau et dire pourquoi il nous parle
ou nous émeut à ce point. Si nous le savions, nous pourrions faire une recette
pour que ça se produise chaque fois. »
Après 60 ans de carrière à vivre de son art, Aristide Gagnon a-t-il encore des
rêves à réaliser? Il semble peser ses mots pour répondre, sur un ton rempli
d’humilité :
« C’est certain que si on m’offrait une exposition dans un grand musée, ça
serait agréable pour moi, mais je n’ai jamais travaillé pour la gloire, ça, c’est
définitif. Le bonheur, il faut que tu l’aies en toi. Moi, je suis très content d’avoir cet
immense atelier-là. »
aristidegagnon.com
- 100 minutes avec Fernand Leduc
- Dan Brault ,François Simard,Nadia Myre,Karen Elaine Spencer
Ai regardé aujourd’hui le documentaire produit par Richard Lavoie qui présente Aristide Gagnon. Je viens de découvrir cet artiste poète et grand humaniste.
Je suis impressionné par la vivacité de l’homme.
Merci